le Carnet de route d'un peintre égaré dans la splendeur du temps. Un manuscrit daté de 1990. En première partie du blog Peindre à l'écart un entretien réalisé en 2003 de JS avec Gordon GRAY.Les poèmes réalisés à Shanghai et ceux du retour sur Paris -le tas d'esprit-2006-

Friday, January 20, 2006

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Je viens de réaliser en cinq semaines une vingtaine de pièces sur toutes sortes de supports, bois tôles et quelques toiles sur châssis.
Cette phase de création névralgique presque névrotique me pose le problème d’une énergie créatrice presque sauvage.
Je dois faire le point entre une capacité de créer ex abrupto, , ultra rapide, physique presque animale instinctive et le désir que j’ai de créer « au sens noble » c’est a dire de travailler en tenant la chose à créer en distance pour garder en moi la faculté de pouvoir composer ou transposer.
Lorsque je réalise des tableaux dans un geste rapide presque brutal, comme c’est le cas pour la série que je viens de terminer je me brûle plutôt que je ne créer , c’est à dire que je cherche à me brûler ( à travailler plus vite que mon ombre, plus vite que mes pensées).
C’est peut être que dans cette phase, comme je l’écris hier à D.. je ne recherche pas à faire de la peinture, je cherche à exprimer un trouble, mon propre trouble sur l’origine des choses ; ce qui en advient n’est plus de la peinture au sens ou on l’entend généralement, c’est plutôt une sorte de renversement de toutes les valeurs qui m‘habitent.
Ce qu’il en ressort, ce sont ces empreintes emblématiques ( magiques).
Je ne fais pas de la peinture en oeuvrant à ce moment là, ce que je recherche est placé ailleurs très certainement en dehors de la peinture et c‘est troublant.
A ce moment là à l’apogée du geste, ce que j’essaye de déceler derrière le malaise le trouble ou la vertige résultant , c’est le trouble des origines de l’homme son incertitude à se trouver des points d’ancrage dans la réalité, et cela malgré toute la profusion des signes et des références qu’il déverse sur la terre pour tenter de calmer son inquiétude d‘exister.
Dans ces moments de profusion, de déséquilibre de perte et de confusion, ma peinture je ne sais pourquoi cesse soudain d’être de la peinture, elle devient autre chose; et cet autre chose qui advient , je le trouve à la limite bien plus intéressant que la peinture; car la peinture , la peinture au sens général ou on l’entend , cette chose là je crois qu’elle ne veut plus rien dire.
En réalité en travaillant à une définition de l’art qui ne soit plus de l’art, en faisant de la peinture qui échappe à la peinture, je suis peut être plus prés de la définition exacte de l’art au sens authentique ou je l’entends , car dans mon esprit finalement, l’art s’arrête ou commence la vie, et l’art supérieur c’est la vie.
C’est sans doute cette démarcation inconsciente qui balise une partie de mon territoire intérieur et qui crée en moi le trouble, car en même temps, j’aspire à la peinture, je veux être le peintre qui a dépassé la réalité afin de la sublimer dans l‘art.
- La nature ne devient art que par l’homme- dit Mondrian la pure vision plastique du monde corrige notre habituelle vision naturelle .
Ce contrepoint à la forme naturelle (renversée ) qui résulte de mes approches personnelles dissidentes de la peinture suscite en moi des débats .
Car je partage encore ( intellectuellement ) le point de vue de Mondrian; je crois toujours que l’art véritable est celui qui s’est mis à distance de soi; mais en réalité j’ai travaillé totalement à l’opposé de cette démarche , car une autre rigueur intellectuelle a pris place en moi, une rigueur d’un autre ordre semble m‘habiter ( une rigueur de sauvage) .
Cette dichotomie dans ma pratique, marque mon territoire . Les oppositions que je rencontre marquent le terrain métabolique de mon malaise, elle redonnent aussi de la puissance et de l’intérêt à mon travail à cause sans doute de la part de suspens d’excitation et de trouble que cela laisse planer ou que cela entretient.
Suis je capable de dépasser l’état de chrysalide émotionnel qui me lie à l’acte primitif de peindre?
Mais suis je capable aussi d’appréhender différemment l’acte de peindre? Ne faut il pas aussi dépasser la dimension formelle qui plane sur l’acte de peindre au sens traditionnel, sur celui aussi au sens traditionnel ou l’entend le puriste qu’était Mondrian ?
La nature instable de la peinture, lorsqu’elle s’affirme en dehors des canons esthétiques m’apparaît quelque part supérieur à la pure vision plastique prônée par l’esthéticien. L’appréhension de l’état induit naturel n’est il pas supérieur à la reconstruction rythmée de la nature par le théoricien ?Voilà ma question.
Le passage de la non peinture à la peinture pure à t‘il un sens pour l‘homme premier, pour l‘homme non civilisé, pour celui qui n‘est pas encore habité par l‘intellect- Dans l‘antiquité il n‘y avait pas de règles la suprême simplicité ne s‘était pas encore divisée- Shitao - LES PROPOS SUR LA PEINTURE-Chapitre I - L‘Unique trait de pinceau.

Selon la vision de Mondrian l’âge de la peinture pure ( à l’âge moderne) n’intervient qu’en seconde phase en deuxième degré par un effort de clarté par un soucis de recomposer la réalité selon un ordre purement plastique . Cela implique une dissociation dans l’acte de voir, cela suppose une distance de soi par rapport au monde un détachement , une certaine aperception , on l’obtient par une pratique continue ;et persévérante. Mais ce qui en résulte - ce magnifique éclat premier - cela même ne peut on l’ obtenir aussi , par l’excès la profusion, par l’éclatement et par l’extrême éblouissement qui résulte de l’acte de peindre en fulgurance? . L’art névralgique de peindre , celui qui est en osmose avec le chaos, avec l’ origine n’est il pas plus prêt du centre ( du lieu cosmique) qui mène à la connaissance par la rapidité avec la quelle il lie l’acte de peindre avec les émotions originelles . L’acte de peindre premier n’est il pas supérieur à l’idée même de la peinture?Ne transmue t’il pas la peinture en une autre forme de réalité, en une réalité éclatée supérieure. La peinture pure fait effort pour atteindre et montrer cette réalité supérieur, l’acte premier ne cherche qu’à révéler des émotions qui lui sont liées, c’est la révélation du réel qui crée l’éveil , celui qui danse au contact des Dieux reçoit leur lumière et il la transmet par le biais du feu qu’il reçoit d’eux. Le peintre est le fleuve, il est la montagne, il est l’océan, il est la forme originelle.

















































CONTREPOINT
- L’artiste sera d’autant plus parfait que seront plus complètement séparés en lui l’homme qui souffre et l’esprit qui crée, et d’autant plus parfaitement l’esprit digérera et transmuera les passions qui sont son élément. -
T.S Eliot.

















Méditation intemporelle

Mystère du monde.


La substance du monde est semblable à une onde invisible au regard des hommes; pourtant un parfum singulier émane d’elle.
La substance du monde est semblable à une onde invisible à l‘œil nu; elle est changeante mobile inaccessible et pourtant nous pouvons la saisir .
La substance du monde est identique aux premiers temps du monde, semblable en tous points à elle, elle est pourtant différente.
Rien pourtant ne l’affect , elle est indifférente aux changements.
Elle demeure fidèle à elle même .
Ses principes, ses qualités , ses vertus, sa substance sont les mêmes qu’aux premiers temps.
Elle est intégralement la même dans sa nature et son contenu qu’aux premiers temps de son apparition.
De même le vol de l’oiseau est semblable et fidèle à lui même depuis son origine. Ce n’est pourtant pas le même oiseau (qu’aux premiers temps) que j’aperçois volant sous ma fenêtre , c’est un autre, un oiseau parmi des milliards dans la chaîne des espèces.
Pourtant dans son principe son vol n’est il pas le même, semblable à lui même, ainsi qu’il était aux tous premiers temps, alors même que l’homme n’était pas apparu sur la terre?
Lorsque je rencontre la substance merveilleuse du monde à travers mes carreaux, je prolonge par mon regard, le regard des milliards d’hommes qui m’ont précédés; j‘entrevois comme par magie à cet instant , l’éternité et l’intemporalité du monde, je rejoins immédiatement la substance infinie et immaculée du temps primordial , je traverse d’un seul bond le passé le présent et le futur. A travers ce regard, dépouillé jusqu’à son fond de toutes pensées inutiles, j’entrevois le fond du premier et nouveau commencement , l’instant ultime du premier geste légitime, celui qui débouche une nouvelle fois encore sur l’apparition et la naissance du monde, processus se renouvelant des milliard de fois dans l‘univers. Instant toujours unique pourtant car c’est celui d’un nouveau commencement.
Lao- tseu à regardé le monde avant moi , Jésus aussi, Bouddha, aussi et tous les prophètes aussi et tous les autres milliards d’hommes et de femmes aussi, et toutes les espèces connues et inconnues aussi..
L’apparence du monde à changée, mais sa substance intérieure est la même qu‘aux premiers temps, elle est semblable pour toutes espèces.
Je peu rejoindre Jésus Bouddha et Lao - tseu à travers le simple regard que je porte sur le monde je peu aussi rejoindre l‘infini des espèces; je peu rejoindre la conscience du monde simplement en m’accolant à sa substance ; il me suffit de contempler le fleuve scintillant qui s’écoule, le ciel bleu pâle , et le vol des oiseaux devant ma fenêtre.


Le monde est fidèle à lui même depuis ses origines; pourquoi ne serais je pas fidèle à sa substance?


La sagesse l’amour la haine et la folie sont sans fondement véritables, seule l’âme du monde reste inchangée , pure immaculée semblable à elle même. Elle demeure identique en tous points à ce qu’elle était au commencement du monde. Seule l’âme du monde est à même de révéler à l’homme tout ce qu’il ignore de lui même.
La conscience du monde se tient immobile et paisible à nos côtés nous n‘avons qu‘un geste à faire pour la rejoindre
. C’est en abandonnant la sagesse, la folie l’amour la haine que l’homme accédera à la conscience de lui même, à ce moment d’éternité qui le relie à chaque instant aux lois intemporelles qui règlent le monde visible comme le monde invisible.
La substance du monde est sans prédicat, sans concepts, et sans lois pour la régir; la substance du monde ne possède aucun fondement rationnel; c’est pourquoi elle est parfaite et sans atteinte; elle est radieuse et sereine, comme un lever de soleil qui se répète et meurt à l’infini.
Elle est semblable à la terre et aux planètes lointaines qui tourne autour de leur lointains soleil, elle est semblable à cet insecte aux ailes transparentes qui vient de se poser sur ma main, son corps est si minuscule, ses pattes si fines qu’il paraît presque invisible.





























- Le fléchissement intérieur qui est en moi est comme l’arc qui est détendu, il brise ma vie. -






















« La forme des choses se distingue mieux de très loin »

Les villes invisibles.Italo Calvino.




Détroit.


Cerné par mes habitudes, parfois je vis dans un détroit, et à la longue, je sens un malaise qui m’enrobe. Je cesse de distinguer le contour des choses, je prend la forme du paysage qui m’entoure. Ma respiration se fait plus lente, mon corps s’estropie.
J’ai besoin alors de m’éloigner; mais comment le pourrais je, étant pris dans cette cavité passagère du monde ou les berges se resserrent sur mon passage, ou la terre est à portée de voix ou les moindres mouvements sont confinés.
S’agissant d’une position stratégique que j’ai conquis sur le lieu, la référence au détroit me pose problème.
Si je sais que cette position n’est que simple passage, je peux m’en accommoder , accepter pour un temps cette réduction de mes mouvements à travers le détroit.
Si par contre la chose dure, le malaise alors s’installe, indistinct au départ, il va s’amplifier petit à petit pour faire figure obsessionnelle .
Je suis dans un de ces états à présent, sans vraiment savoir d’ou je tiens cette position.
De mes vicissitudes amoureuses ou bien de mes déplacements stratégiques sur l’espace qui me jettent sur ce lieu , ou géographiquement je suis réduit à l’attente, coincé entre deux rives oppressantes, comme un morceau d’espace qui réduit peu à peu sa liberté d’aimer.
Dans le détroit, il ne me reste que le frêle champs de manœuvre que j’appelle « liberté d’examen » pour pouvoir manœuvrer.















Détroit suite.


Je manœuvre sur un fil d’eau mouvante qui forme ma substance.
Pour le reste le détroit est peut être bien plus large que je ne l’imaginais.
Je me dis alors que tout n’est qu’une question d’impressionnent .
Je ne suis seulement impressionné par mes propres limites.
Je dois repréciser la chose ré entreprendre l’examen.
Je dois me rendre plus apte à être libre, je dois mieux voir « de plus loin ».




































Le détroit à sa nécessité.
Il me fait percevoir des aspects du monde au ralenti.
A travers lui, je me rends compte de l’emprise réelle de l’espace autour de moi.





















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